Ceci n’est pas un cliché. Il est vrai qu’enfermer la photo dans une simple définition est en soi une tâche stérile. Ceci est une biographie, c’est le carnet de bord d’un navigateur, ce sont les notes d’un explorateur curieux, c’est un memento de sa propre vie.
En regardant avec attention, nous pouvons nous rendre compte que les photos de Philippe parlent plus de Philippe que de l’univers qu’il dépeint. Il transpose en images son expérience personnelle et subjective du monde, en les adaptant à son inventaire personnel, son registre biographique intime.
Ses photos dévoilent l’ampleur de la mémoire et son travail fonctionne comme fonctionne cette même mémoire : en sélectionnant, en fragmentant, en gravant. Son geste séducteur pour se relier au monde, aboutit à un univers rempli de reliques photographiques proches d’un documentaire.
Philippe construit ses photos précautionneusement, soignant les détails de la lumière, le cadrage, la couleur. Ainsi, il transforme un moyen de communication en un code intime, pour raconter esthétiquement le temps qui passe. A partir d’un profond enchantement pour le travail du photographe, il photographie les monuments, les animaux, les espaces, les amis, une ombre, une lumière, une table. Un répertoire méticuleusement large qui fait partie de son cortège de souvenirs.
Comme un expéditionnaire infatigable, Philippe appréhende le monde comme un site archéologique. Il joue le rôle de celui à qui revient la tâche séduisante de sauver la pièce unique qu’il doit débusquer et capturer, en stimulant l’admiration, l’étonnement et la réflexion de ce que nous considérons comme acquis.
L’une des facultés les plus importantes pour tout être humain est sans doute celle de se souvenir. Parce que les souvenirs sont notre identité, ils configurent notre pensée et notre manière d’approcher le monde. Ils sont notre apprentissage, notre privilège et notre futur. La photographie est le témoin d’un passé et à la fois d’un éternel présent, elle ressuscite quelque chose que les années ont emporté avec elles, elle récupère l’espace et le temps en les convertissant en un « ici et maintenant » perpétuel. Chaque image photographique transcende le visuel et se constitue grâce à une coopération presque magique entre le photographe, le temps, et le sujet à photographier.
Aujourd’hui, Philippe nous invite à entrer dans son regard pour voir son monde et son histoire depuis la même perspective que lui.
Maria Gnecco, Buenos Aires, 2014