A travers la photographie et la sculpture, les artistes entre-tissent un récit sur cette fusion secrète et indicible de laquelle émerge l’humain. Dans leurs œuvres, la présence humaine est incontournable, tout comme le trait pré-humain, que l’on pourrait qualifier d’animal, d’inconscient et de sublime, et qui survole toute l’exposition.
Les artistes instaurent la complexité du temps comme un fondement qui est simultanément présent et passé. Ils évoquent le moment précis ou l’animalité et l’humanité sont dans un état d’égalité. Des corps cassants et voluptueux, voilés et indécis, sont sur le point de se réaffirmer. Ainsi commence l’histoire. Ensuite, la force primitive de l’être, la physis élémentaire, est redirigée afin d’être partie intégrante de la biographie humaine. Vu d’une perspective contraire, l’humain s’approprie de son essence et gouverne l’indomptable, avec la totale certitude que nous sommes chacune de ces parties, et la croyance trompeuse que l’une a pris le pas sur l’autre.
Les photographies de Nicolás sont des chroniques d’êtres semblables à l’écume, informes et ténus. Purs esprits du temps, anges inachevés sans boussole, forces ascendantes et descendantes entre l’origine et la manifestation, à la recherche d’une physis dans laquelle s’incarner.
Les sculptures de Leo sont l’autre face de la médaille. Des hommes qui tentent de se réaffirmer, lourds et matériques à l’intérieur de leur propre monde de dense argile. Univers intimidant et agité, c’est l’homme qui se construit dans la même matière que celle de son inconscient. Instinct pur, animal ingénu cherchant un logos vers lequel tendre.
Dans les pièces de Leo Trombetta, la présence mutable de l’argile, la résistance éternelle du bronze et la millénaire technique raku sont sans aucun doute un retour conscient au primitif, à la force indomptable de tout commencement. Dans les œuvres de Nicolás – l’antimatière par excellence- le temps joue comme élément structurant de la technique photographique. Par le biais d’une vitesse d’exposition lente, il met à nu les traits d’un corps émergent, donnant des pistes sur ce qu’il fut et sur ce qu’il pourrait devenir.
Dans notre culture, l’homme a été pensé à partir d’un récit fondateur qui le décrit comme l’articulation mystérieuse d’un corps et d’une âme, entre Physis et logos. Leo et Nicolás Trombetta nous proposent un « contre-récit ». A eux deux, ils déconstruisent l’histoire originale et nous présentent cette dualité comme un schisme originaire, une séparation primordiale.
Il est temps de penser l’homme, non comme le résultat de l’union, mais de la désunion de ses composantes et de ne plus nous interroger sur le “mystérieux” de cette union, mais plutôt sur l’aspect “politique” de la séparation. Car finalement, nous sommes un ensemble de fragments, de divisions et de constantes séparations.
Le moment est venu de nous demander pour quels motifs et de quelle manière les mécanismes socioculturels, voire économiques et politiques, nous ont appris et incité à séparer et occulter notre animalité et notre ange perdu, en les laissant se perdre dans le champ du mystère et de l’obscur. Il est fort possible que les espaces les plus lumineux de notre relation humaine avec le transcendant dépendent, bien plus que ce que l’on croit, de cette partie plus sombre que représente notre être spirituellement animal.