Alvaro ZINNO

« « N’utilisez pas d’adjectifs sans nécessité. Inutile sera le nombre de queues colorées que vous attachez à un nom faible. Si vous trouvez celui qui est précis, il n’aura qu’une couleur incomparable. Mais il faut le trouver » souligne l’écrivain et dramaturge uruguayen Horacio Quiroga dans la section VII de son Décalogue du parfait conteur (1927). Cette citation est transférable et actuelle pour comprendre la proposition de Zinno qui livre une série d’images qui pointent, sans maniérismes ni ornements, vers quelque chose que lui seul connaît et qui nous présente comme une intrigue.

L’auteur reprend des thèmes de l’histoire de l’art — le paysage et la nature — et les mesure en s’échappant du stéréotypé, de ce qui est attendu, de ce qui est vite digéré : des images qui transforment la réalité — un champ, des arbres, l’herbe, des bois de chauffage, interventions artistiques à Pueblo Edén, Uruguay – et plus que des certitudes provoquent un mystère.

C’est là qu’il est impossible d’arrêter de ressentir le sinistre. Freud a expliqué que c’est ce qui renvoie à quelque chose qui nous est familier mais qui en même temps nous apparaît comme étrange, comme différent. Un dualisme troublant. C’est quand le quotidien, l’imperceptible —et on peut même dire l’ordinaire proche—, l’insignifiant devient signifiant. D’une autre manière : ce qui n’était pas évident devient le centre de l’attention. C’est qu’il y a quelque chose, en l’occurrence la lumière de Zinno à la fois in situ et en post-production, qui affecte les choses connues et les modifie. Ici le paysage est lié à notre psyché, à nos peurs, toujours de manière simple —à la Quiroga dixit— mais dérangeante.

Dans son processus de création-représentation, Zinno utilise des ressources proches de celles du surréalisme, composant des lieux impossibles. Lumières et ombres, difficultés et clartés, croix et lignes droites, font dialoguer le contraste dans une nouvelle proposition. Dans ce cas, c’est une nature puissante, qui rappelle le sublime, dans cette attirance et cette peur de presque voir la vérité dévoilée. C’est ce qu’est l’art quand il poétise le monde, c’est-à-dire qu’il nous montre — comme le proposait Nietzsche — le lien des relations entre des choses éloignées. Ce sont de belles images, sans aucun doute. Nous avons également besoin de temps pour les regarder et reconnaître l’intrigue et la terreur que quelque chose est sur le point de se produire, si ce n’est déjà fait. »

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