Martin REYNA

Pour le philosophe Byung Chul Han, nous vivons à une époque où le poli, le net, l’impeccable, le lisse est synonyme de beauté, parfois vidée de toute profondeur et épaisseur. Un impératif caractérisé par la capacité de se conformer et de ne pas résister, d’obéir.

La proposition artistique de Martin REYNA, avec sa multiplicité de couches de peinture, avec l’épaisseur de l’huile, le poids de la matière, l’accumulation obsessionnelle du temps, le besoin de durée, la patience d’attendre le processus, nous met face à la rassurante notion de concret, de solide en ces temps de « liquidité baumanienne » que nous habitons.

Aujourd’hui, le beau apparaît comme un amas de stimuli, une marée d’excitations, alors que pour Martin le beau est texturé, contradictoire, invite au retard (« La vie contemplative est la beauté parfaite », disait Aristote). Ainsi, ses toiles se transforment en sculptures par la charge de matière, une lourdeur qui nous invite à nous souvenir, questionner, interpeller, ébranler l’immédiateté du lisse et du poli du monde dans lequel nous vivons.

Contempler une œuvre de Martin REYNA nous invite métaphoriquement à explorer une cachette -un quelque chose d’inconnu- , cultive le silence, le secret, la mémoire. Suspendez le désir un instant et l’absence de désir arrête le temps. L’œuvre nous projette de nous-mêmes vers l’extérieur.

Nous venons de temps de blessures profondes: cette proposition artistique nous invite à nous arrêter à l’événement substantiel et à penser que s’il y a des blessures, ce qui compte c’est la cicatrice qui modifie, qui provoque le changement.

Se retirer de l’immédiat n’a pas un éclat momentané mais continue à éclairer en silence.

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