LA TRAHISON DE LA BEAUTÉ

PARIS – 2 au 5 décembre 2016

Avec l’oeuvre de Gildo Medina, on plonge dans l’univers du beau, dans la perfection du design, dans la méticulosité du crayon. Chez lui, l’idée du beau est imprimée dans chacune de ses oeuvres. Mais les portraits de Gildo sont d’une beauté traître et complice. Un dessin ciselé et équilibré et presque apparenté au ton académique de la Renaissance, rend compte d’un univers contradictoire, obscur, un climat très proche spirituellement du barroque. En de nombreuses occasions, il utilise le stylo-bille -instrument libérateur pour l’artiste- qui permet de glisser hors de l’académique, et sa permanence s’oppose à l’idée de changement que transporte intrinsèquement la Mode. La présence des auras, des couronnes, et les références à l’Histoire sont des éléments réfléchis qui contestent les concepts de pouvoir et révèlent la contradiction des discours d’autorité ; ils démocratisent à la fois les strates entre la basse et la haute culture, entre la personne publique et l’anonyme, entre le commun et le mondain.

A travers une forte empreinte proche de l’image des campagnes de Mode, dans chaque dessin quelque chose d’inquiétant est sous-jacent. Les expressions, les regards et les gestes connotent la solitude, la lassitude, la crainte. Quand le spectateur voit cette représentation dans une forme photographique publicitaire, il la comprend comme une mise en scène, mais quand il la voit dans une oeuvre d’art, il la décode dans le champ du réel. Autrement dit, le spectateur croit en l’Art et c’est dans l’Art qu’il peut se projeter. Chaque dessin submerge le spectateur dans l’univers du privé, de la crainte de la disparition dans un jeu érotique et pervers entre l’être et le paraître. L’artiste ne met pas seulement en doute les concepts de beauté, de bonheur, de succès, mais aussi, et c’est d’ailleurs son apport principal, il les découvre dans leurs facettes bipolaires et contradictoires : la partie bonne et la portion obscure que tous les aspects de l’homme, des choses, des sentiments et de la vie portent en eux.

Le dessin en champs élargi. Gildo propose des dessins sur de nouveaux supports (fauteuils et chaises) qui rendent possibles la rencontre entre l’Art, le sensible et finalement soi-même. Medina fait référence à des coutumes anciennes dans lesquelles se posaient des questions historiques ou quotidiennes sur les fauteuils. Aujourd’hui, Gildo défonctionnalise chaque pièce en lui attribuant une utilité réfléchie. La contemporanéité des visages, gestes et postures, la reconnaissance de l’image comme actuelle et sa proximité aux propositions du pop art, ne font rien d’autre que signifier de nouveau le sentiment de haute et basse culture : mettre en évidence les transformations sociales, culturelles et économiques du monde et avec elles une réflexion autour de l’Histoire, de ce qui perdure et de ce qui se dilue et se perd dans le temps.

Gildo Medina passe par la beauté pour amorcer un dialogue avec le spectateur. Il fait un pari esthétique dans un monde qui s’est esthétisé exagérément, en confirmant que tout est dualité, qu’il n’y a pas de blanc sans noir, qu’il n’y a pas de rires sans larmes, et qu’au-delà de la beauté, il y a toujours un complexe univers humain.

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